Guérilla au Brésil : la lutte armée contre la dictature

Guérilla, lutte armée, kidnappings, braquages de banques… Pour la sortie de Révolution au Mirandão, l’histoire fictive d’un groupe guérillero marxiste qui s’associe à des narcotrafiquants, focus sur la guérilla, la lutte armée durant la dictature

[ps2id id=’lesdébutsdelagaucheradicale’ target=”/]Les débuts de la gauche radicale

Dès 1922 la gauche brésilienne s’inspire des idées de Karl Marx et se rapproche de plus en plus du communisme. D’ailleurs, c’est pendant cette année-là qu’a lieu le Congrès communiste du Brésil qui sera à l’origine du Parti communiste du Brésil. A partir de cette date, le pays voit apparaître divers groupes communistes dispersés sur le territoire. Ce qu’ils cherchent ? Une révolution sociale ! Et cette révolution devrait être armée, le pouvoir serait pris de force !

En 1935, cette gauche révolutionnaire fait sa première tentative de prise de pouvoir par la violence : une tentative de mutinerie menée par des militaires communistes, connue comme l’intentona communista. L’action échoue. Et pire encore, ouvre le chemin pour un régime dictatorial qui durera de 1937-1945, instauré par Getulio Vargas.

Dans les années 1960, le coup d’Etat militaire de 1964 et la répression qui en découle conduisent la gauche brésilienne à se radicaliser dans des actions de guérilla.

La lutte armée s’intensifie notamment suite à l’Acte Institutionnel-5 (AI-5), décrété en 1967 par le général-président Costa e Silva (mandat de 1967 à 1969), en réaction aux grèves d’ouvriers et aux manifestations étudiantes. (Pour en savoir plus sur le mouvement étudiant brésilien, cliquez ici). C’est le début de la période la plus sanglante et la plus répressive de la dictature.

Scandalisée par l’AI-5, la gauche reprend les armes pour combattre le régime dictatorial et destituer les militaires. Les militants s’organisent alors en guérilla urbaine et guérilla rurale. Deux figurent majeures ressortent de cette période : Carlos Lamarca, qui dirige la guérilla rurale,  et Carlos Marighella, à la tête de la guérilla urbaine.

[ps2id id=’carloslamarca’ target=”/]Carlos Lamarca, le symbole de la guérilla rurale

Carlos Lamarca est l’un des plus importants guérilleros durant la dictature brésilienne. Pourtant, avant de rejoindre l’opposition, Lamarca était un brillant capitaine de l’armée brésilienne.

Mais, il s’engage progressivement dans la lutte contre le régime militaire. En 1969 il déserte, et est ensuite banni de l’armée l’année suivante. Quelque temps après sa désertion, il mène une action dans une unité militaire, d’où il sortira avec 63 fusils et des mitraillettes qui seront employées ensuite dans la lutte armée contre la dictature.

Son action la plus connue et la plus osée reste le kidnapping de l’ambassadeur suisse Giovanni Bucher, en 1970. Cet ambassadeur sera échangé contre 70 prisonniers politiques, qui partent aussitôt se réfugier au Mexique. Pour financer les actions de guérilla, Lamarca et ses guérilleros pratiquent également des braquages de banques, qu’ils appellent plutôt “expropriations”.

Après avoir mené quelques actions en milieu urbain, Lamarca s’installe dans le Vale do Ribeira, dans la campagne de l’état de São Paulo, où il créé un foyer de guérilleros et un camp d’entraînement. Il fait profiter les autres militants de son expertise de tireur professionnel. Recherché dans tout le pays, Lamarca se réfugie dans le sertão mais il est finalement retrouvé et assassiné le 17 septembre 1971.

[ps2id id=’carlosmarighella’ target=”/]Carlos Marighella et la guérilla urbaine

Carlos Marighella naît en 1911 à Bahia dans un milieu très humble. A l’âge adulte, militant du Parti communiste brésilien, il se rapproche des théories de Fidel Castro et de Che Guevara, et des mouvements révolutionnaires qui ont lieu en Uruguay et en Argentine dans les années 1960.

En 1968, déçu par l’immobilisme du PCB, il devient l’un des fondateurs de l’ANL (Action de libération nationale). Celle-ci deviendra l’une des principales forces révolutionnaires du Brésil, avec la VPR (Vanguarda Popular Revolucionaria) et le MR-8 (Movimento Revolucionario 8 de Outubro).

Carte d'adhesion au Parti Communiste Brésilien. "Carlos Marighella, 34 ans, professeur"
Carte d'adhesion au Parti Communiste Brésilien. "Carlos Marighella, 34 ans, professeur"

Il mène diverses actions de guérilla urbaine : braquages de banques, contrôle d’une station de radio et diffusion de son manifeste, attaque des postes de police, dynamitage de casernes de l’armée, kidnappings de diplomates étrangers (dont notamment l’ambassadeur américain, voir ci-dessous), etc.

En 1969 Marighella rédige le Manuel de la guérilla urbaine, où il pose une alternative à la théorie du foquisme de Che Guevara, (faire « un, deux, plusieurs Vietnam… » afin de lutter contre l’impérialisme des États-Unis. Cette théorie de la révolution est fondée sur la création de foyers de guérilla rurale, à l’opposé de Marighella, qui veut allumer des foyers de guérilla urbaine)

Il écrit cet ouvrage six mois avant son assassinat. Le livre, contenant toutes les informations nécessaires à la mise en place d’un mouvement guérillero, devient par la suite un manuel d’entraînement pour plusieurs groupes de résistance.

Toute personne hostile à la dictature militaire ou toute autre forme d’exploitation et d’injustice, désireuse de combattre peut faire quelque chose, même si cette action est modeste, plusieurs petites actions en feront naître une immense. Ceux qui, après avoir lu ce manuel, auront conclu qu’il s ne peuvent rester passifs, je les invite à suivre les instructions que je propose et à s’engager tout de suite dans la lutte. Car, en toute hypothèse et en toutes circonstances, le devoir du révolutionnaire est de faire la révolution. » (Manuel du guérillero urbain, par Carlos Marighella)

Militant très actif dans la lutte armée contre le régime militaire, il représentait un danger potentiel à l’ordre de l’Etat, raison pour laquelle il est recherché et poursuivi dans tout le pays. Marighella est finalement tué dans une embuscade policière en novembre 1969.

Pour en savoir plus sur Marighella : Lisez ici le Manuel de la guérilla urbaine, de Carlos Marighella

[ps2id id=’kidnappings’ target=”/]Une vague de kidnappings pour financer la révolution

Parmi les actions menées par les guérilleros en vue de lutter contre le régime militaire, les kidnappings de personnalités politiques ont marqué les esprits par leur côté spectaculaire…

Le 4 septembre 1969, le MR-8 (Mouvement révolutionnaire du 8 octobre) et l’ALN (Action de Libération Nationale), deux mouvements d’extrême gauche pratiquant la lutte armée, kidnappent le diplomate américain Charles Burke Elbrick. Ce dernier était un libéral qui s’opposait à la dictature, mais la participation des Etats-Unis dans le coup d’état au Brésil était beaucoup trop évidente pour que ce diplomate ne soit pas la victime parfaite.

Les militants publient à la suite de son kidnapping un manifeste dans lequel ils justifient leurs actes par le fait qu’ils n’ont aucun doute sur le rôle du gouvernement américain dans la mise en place des diverses dictatures militaires en Amérique latine.

Charles Burke Elbrick a été le premier diplomate américain à être kidnappé dans le monde et cette action sera la première action de ce type en Amérique du sud. Elbrick a été maintenu en captivité deux jours et a ensuite été échangé contre 15 prisonniers politiques.

Après Elbrick, d’autres kidnappings ont été orchestrés par des militants de la lutte armée : Nobuo Okuchi (consul du  Japon), Ehrenfried von Holleben (ambassadeur d’Allemagne), Giovanni Bucher (ambassadeur suisse)…

Manchette de journal lors du vol supposé du coffre de l’ex-gouverneur

Qui est Ademar de Barros, évoqué dans Révolution au Mirandão ?

Ex-gouverneur de l’État de São Paulo pendant la dictature militaire. En 1969, des guérilleros volèrent le contenu de son coffre, pour une valeur approximative de 15 millions de dollars actuels. Trésor de guerre ou intox ? La famille a toujours prétendu que le coffre était vide.

[ps2id id=’lesaviezvous’ target=”/]Le saviez-vous ?

L’ancienne présidente du Brésil, Dilma Rousseff (mandat de 2011 à 2016), était aussi une guérillera pendant la dictature !

Connue dans le milieu comme la « Jeanne d’Arc de la guérilla », elle rejoint le mouvement de résistance, mais est arrêtée le 16 janvier 1970, à 22 ans. Les militaires la torturent pendant plusieurs jours et la condamnent ensuite. Dilma Rousseff restera en prison jusqu’en 1972. A sa sortie, elle pèse 10 kilos de moins et a des problèmes de santé qui seront guéris progressivement.

Les actions des guérilleros dans la lutte contre le régime militaire (1964 à 1985) ont été diversement violentes et réussies, mais ce mouvement de guérilla et de lutte armée fait désormais partie de l’histoire brésilienne et a une grande importance dans la résistance politique au Brésil.

Au total, 8000 personnes seront arrêtées, et les Escadrons de la mort, formés au sein des forces policières, feront environ 1000 morts.

[ps2id id=’revolutionaumirandao’ target=”/]Révolution au Mirandão, de Fernando Molica

Ces militants guérilleros apparaissent dans Révolution au Mirandão, de Fernando Molica, une fiction où militants marxistes, encore rêvant de la révolution socialiste au Brésil, s’unissent à des étudiants bourgeois de gauche et à des trafiquants de la favela du Mirandão. Ceux-ci apporteront le soutien financier et les armes à la révolution. Une histoire drôle et originale qui garde néanmoins une forte critique politique autour de la pauvreté.

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