L’empowerment des femmes du Nordeste brésilien

La situation des habitants du Nordeste brésilien a beaucoup changé au cours de ces dernières années, en partie grâce aux programmes sociaux mis en places par l’État (notamment le programme Bolsa Familia).

L’agence de journalisme Agência Publica a consacré un beau reportage sur l’empowerment  (l’autonomisation) des femmes d’un village de l’état du Piauí. En voici une traduction résumée.

Guaribas, jeune municipalité de l’état de Piauí, créée en 1997, a été choisie en 2003 comme ville pilote pour le programme Fome Zero (Faim zéro). A cette époque-là, la ville avait le deuxième plus bas IDH (Indice de développement humain) du Brésil, à 0,214 – en guise de comparaison, l’IDH du Burundi (pays qui a l’IDH le plus bas du monde) est à 0,355. Aujourd’hui, 87% des 4401 habitants de Guaribas sont bénéficiaires de la Bolsa Família (bourse familiale) – programme social brésilien destiné à lutter contre la pauvreté et mis en place sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva. Il s’agit de 933 familles, qui sont passées à un revenu mensuel de 182 réais – environ 50 euros. L’IDH est monté à 0,508.

Au total, au Brésil, 13,7 millions de familles bénéficient du programme Bolsa Família et 93,2% des allocataires sont des femmes. Ce sont elles qui reçoivent et distribuent les revenus de la famille.

Dans le livre Vozes do Bolsa Família: Autonomia, dinheiro e cidadania (Voix de la Bourse Familiale : Autonomie, argent et citoyenneté), les chercheurs Walquiria Leão Rego et Alessandro Pinzani, de l’Université de Campinas et de l’Université Fédérale de Santa Catarina, affirment que

la libération de la ‘dictature de la misère’ et du contrôle masculin familial permet aux femmes un minimum d’autonomie sur leur propre vie et, en ce sens, leur autorise un début d’indépendance de leur vie morale. C’est le fondement de la citoyenneté ».

Pendant leurs recherches, ils ont interviewé des bénéficiaires du programme Bolsa Familia et ont observé les transformations permises  – notamment dans la vie des femmes. Leur conclusion est que le changement est grand.

Lorsqu’on est à un niveau minimum d’égalité, on change la société. Bien sûr que les choses ne sont pas automatiques. Ce programme ne peut pas être considéré comme la délivrance de la nation, mais c’est déjà un début.

Norma Alves Duarte, 44 ans, bénéficiaire de la Bolsa Familia © APublica
Elenilde Ribeiro, 39 ans, habite à Cajueiro, quartier de Guaribas, et est bénéficiaire du Bolsa Familia ©APublica

Diverses femmes ont manifesté un intérêt dans la ligature des trompes. « La vie avec un enfant de plus serait encore plus difficile », dit Luzia, qui a réussi à économiser 50 réais pour se faire faire cette opération contraceptive.

Beaucoup de divorces ont également été sollicités depuis l’arrivée de la Bolsa Família. En 2003, lorsque le programme Fome Zero a été mis en place, 993 divorces avaient été demandés dans le Piauí. En 2011, le nombre de demandes est passé à 1.689. Dans les cas non consensuels, 134 ont été sollicités par des femmes en 2003 ; en 2011 ce chiffre est passé à 413 – une augmentation de 308%.

Pour Walquíria Leão, « les revenus délivrent l’individu des relations privées oppressives et du contrôle personnel sur son intimité, car ils placent le sujet dans une fonction sociale déterminée et lui permettent de nouvelles expériences. » Toujours selon le chercheur,

lorsque ces femmes sortent de la misère, de l’attente résignée de la mort due au manque de nourriture ou aux maladies liées à la pauvreté”, elles deviennent protagonistes de leur propre vie.

Le programme Fome Zero a permis aux femmes d’occuper une nouvelle place dans la communauté où elles vivent. « Leur expérience précédente a toujours été de faire face à l’irrespect et au mépris parce qu’elles n’avaient pas d’argent. »

“Il n’est jamais de trop de rappeler que notre pauvreté n’est pas un fait contingent. Elle a des racines profondes dans notre histoire et dans la manière dont sont politiquement prises les décisions de l’État”, évalue Mme Leão.

Le programme Bolsa Familia devrait se transformer en une politique publique, et ne pas rester une politique d’un gouvernement. C’est un processus, un avancement qui ne fait que commencer. Il est encore insuffisant. Mais celui qui raconte une histoire doit raconter toutes les étapes de cette histoire.

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La terre de la grande soif, de Rachel de Queiroz, cliquez pour en savoir plus.
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Illustration de Mauricio Negro
Bernarda Soledade, tigresse du sertao Raimundo Carrero

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