La résistance étudiante pendant la dictature

Pour la sortie de Révolution au Mirandão, l’histoire fictive d’un groupe guérillero marxiste qui s’associe à des narcotrafiquants dans les années 2000, retour historique sur la dictature militaire et les mouvements de guérilla au Brésil des années 60-70.

En 1968, les étudiants s’unissent pour combattre le régime militaire. Ici, la Manif des Cent Mille, considérée comme la plus importante manifestation de la résistance étudiante.

La force étudiante

A partir des années 1950, en raison de la création de nouvelles facultés et universités, le mouvement étudiant universitaire gagne une grande force politique et devient un élément important dans mobilisation sociale. Il compte diverses organisations représentatives dont l’une des plus importantes est l’UNE (l’Union nationale étudiante). Les revendications, protestations et manifestations de ce mouvement ont influencé fortement le cours de la politique nationale.

L’expansion des universités 

Pour comprendre comment le mouvement étudiant universitaire est devenu un important acteur politique au Brésil, il faut d’abord connaître certains changements qui ont touché le système public de l’enseignement supérieur. A la fin des années 1950, l’enseignement supérieur s’élargit et plusieurs universités sont créées. Dans un pays en développement, comme l’est encore le Brésil à cette époque, l’accès à l’enseignement supérieur est une condition pour accélérer le processus de modernisation, tout en favorisant la mobilité et l’ascension sociale.

De plus en plus de jeunes, issus notamment de la classe moyenne, ont donc accès à l’université. Les statistiques montrent cette forte augmentation : en 1945, 27.253 étudiants étaient inscrits à l’université au Brésil ; en 1962 ce chiffre était de 107.299 ; et en 1968, l’université brésilienne comptait 214 000.

Idéologie et politique

L’augmentation du nombre d’étudiants a coïncidé avec l’augmentation et la consolidation de nouveaux courants politiques dans le milieu universitaire. Ces nouveaux courants sont devenus hégémoniques et défendaient des idéologies liées à la gauche marxiste (c‘est-à-dire un projet socialiste de transformation de l’ordre social).

Ces courants de gauche canalisent l’insatisfaction des jeunes face aux défaillances et problèmes de l’enseignement supérieur. Le rôle social de l’université et la redistribution des richesses sont au cœur des revendications des mouvements étudiants marxistes, qui réclament l’égalité des chances, la justice sociale, la répartition équitable des ressources, la solidarité, la lutte contre l’individualisme, l’intérêt collectif au lieu de l’intérêt individuel… enfin, une société sans classes !

Un coup d’arrêt : le coup d’état de 1964

Le coup d’état de 1964 a de graves conséquences pour le mouvement étudiant. Les autorités militaires arrêtent les leaders étudiants et démantèlent les principales organisations estudiantines, qu’elles considèrent comme des « ramassis de communistes ». D’abord, l’Union nationale étudiante est reléguée à l’illégalité, ensuite c’est au tour des organisations plus petites de se voir désarticulées et remplacées par des organisations à la botte du pouvoir.

La période de forte répression politique

Ce qui semblait être une brève intervention militaire dans la politique finit par se transformer en une dictature qui a réprimé et persécuté violemment les groupes d’opposition. De 1969 à 1973, la répression politique atteint son apogée : en septembre 1970 l’Etat militaire crée deux agences de renseignement et de répression, le Département d’opérations d’information et le Centre d’opérations et de défense de l’intérieur, plus connus par leurs sigles DOI-CODI. Ces départements avaient pour mission de repérer et d’anéantir toute opposition au gouvernement ; ils ont été directement responsables d’au moins 50 morts et de plus de 6.700 prisonniers politiques, notamment étudiants et intellectuels.

Les militaires du DOI-CODI étaient réputés pour leur cruauté. La torture devient une pratique courante et ils infligent à leurs prisonniers les pires supplices. Le journaliste Vladimir Herzog, militant du Parti communiste brésilien mais qui n’a jamais participé à la lutte armée, est l’une des victimes les plus emblématiques du DOI-CODI. Il est arrêté par les agents, soumis à des séances de torture brutales à l’issue desquelles il succombe. Les militaires, pour ne pas assumer l’assassinat d’Herzog, truquent la scène du crime de manière à simuler un suicide.

Vladimir Herzog, journaliste assassiné le 25 octobre 1975 par les agents de DOI-CODI, dont la mort sera maquillée en suicide.

Pendant cette période de recrudescence de la répression, le mouvement étudiant est complètement démantelé et une grande partie des militants et leaders étudiants, notamment issus de la classe bourgeoise, rejoignent des organisations de guérilla clandestine.

Plus de trente ans après, le roman Révolution au Mirandão, de Fernando Molica, met en scène à côte de ces étudiants bourgeois de gauche et d’anciens révolutionnaires des années 70 des trafiquants de la favela du Mirandão – et c’est là toute l’originalité et la modernité du roman. Dans Révolution au Mirandão, narcotrafiquants, leaders communautaires et étudiants universitaires s’unissent et tentent de faire la révolution socialiste que les militants et les guérilleros n’ont pas réussi à faire trente ans auparavant. Mais dans une société capitaliste, individualiste et corrompue, y arriveront-ils… ?

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *