Criolo, grande figure de la périphérie brésilienne

Criolo

 

Jeudi dernier, le 29 janvier, a eu lieu le concert d’ouverture du festival “Au fil des voix” donné par le rappeur paulista Criolo, qui a fait salle comble. Comme l’écrivain Ferréz, Criolo a grandi dans une favela de la zone sud de São Paulo et il est devenu une figure de proue du mouvement culturel des périphéries brésiliennes.

Né en 1975, il est issu d’une famille modeste du Nordeste. Comme beaucoup d’autres à cette époque, sa famille migre à São Paulo dans l’espoir d’une vie meilleure… et aterrit, comme souvent là aussi, dans la favela de Grajau (SP). Le jeune Kleber y passe les cinq premières années de sa vie. Il s’y forgera une forte identité et et y trouvera le terreau de son engagement social et culturel. Plus tard, il est surnommé “Criolo Doido” (métisse taré) parce que son père est Noir et que sa mère analphabète est une “tarée” d’avoir commencé, adulte, des études de psychothérapie…

Nous reprenons ici des extraits de son entretien donné au journal 20 minutes :

On habitait tout en haut d’une favela à flanc de colline. On n’avait pas le droit de sortir à cause de la violence, donc on restait chez nous. Ma routine, c’était d’aller à l’école, de rentrer et d’aider aux tâches ménagères à la maison. On était vraiment pauvres…

Je viens d’une époque où les MC voulaient surtout être sur scène, ça leur était égal de faire ou pas un disque. Et puis, c’était inimaginable d’avoir un studio pour enregistrer, je n’avais même pas les sous pour me payer un ticket de bus pour aller dans le centre-ville.

Le rap a donné à Criolo des perspectives et un canal où faire vibrer sa créativité, tandis qu’il travaille la journée comme éducateur pour les jeunes de son quartier. Un parcours qui n’est pas sans rappeler celui de l’écrivain Rodrigo Ciríaco, écrivain et professeur dans les écoles publiques. Deux poètes urbains engagés dans leurs textes  comme dans leurs activités.

En 2006 il enregistre un premier disque Ainda  ha tempo. Très respecté dans le milieu hip-hop de Sao Paulo, il sait se faire un nom par son ouverture : son style s’ouvre à d’autres musiques (samba, afrobeat, reggae, soul, blues).  En Avril 2011 il enregistre  un second CD No na orelha.

Criolo devient la grande révélation au Brésil de l’année 2011. Caetano Veloso, légende de la musique brésilienne, dit de lui qu’il est “sans doute la plus importante figure de la musique actuelle au Brésil”. Il donne son premier concert à Paris en 2012 au Cabaret Sauvage… et il était la semaine dernière à l’Alhambra, présenter son troisième album.

Quand les mots et la performance deviennent un exutoire et un salut, c’est tout un peuple qui se reconnaît dans les textes de Criolo. Au-delà des frontières entre rap, hip-hop et musique populaire brésilienne, sa musique sonne juste et fait mouche.

Extrait et traduction de sa chanson qui la fait connaître au grand public en 2006, Ainda ha tempo, de l’album éponyme : Espoir, poésie, révolte… Tout y est chez Criolo

Les gens ne sont pas mauvais, mec, ils sont perdus / Mais y a encore le temps… / (…)

Ne sois pas triste comme ça/ Que ma musique t’apporte de l’amour.

Je suis loin d’être un exemple/ Citoyen normal avec la rage de vaincre/(…)

Sans santé, sans paix, notre peuple se meurt /A Grajau, un froid à glacer le sang/ J’attends le bus pour aller à un concert de rap/ J’me souviens de quelqu’un qui n’est plus parmi nous/ Madame la mort s’est pointée, elle fauche les mecs avec une rapidité !/ Une étoile en plus dans le ciel, un poète en moins sur Terre (…)

Je n’avais pas compris ce qui était sous mes yeux/ Le poids sur mes épaules n’est pas trop lourd/ Si la vie est en jeu alors gagnons-le.

”As pessoas não são más, mano, elas só estão perdidas. Ainda há tempo. (…) Não quero ver você triste assim, não/ Que a minha música possa te levar amor/Exemplo não sou, tô longe de ser/Cidadão comum com vontade de vencer/ (…) Sem saúde, sem paz, o nosso povo padece/ No Grajaú, só, no frio de dá dó/ Esperando a lotação pra ir pro evento de rap/ Lembrei de alguém que não tá mais entre a gente/ A dona morte vem, carrega os mano na mó pressa/ Uma estrela a mais no céu, um rimador falta na Terra (…) / não entendi o óbvioQue o fardo não é maior do que posso carregar/Se a vida é o jogo, então, vamos ganhar

 

Retrouvez la plume acérée et le “flow” propres aux auteurs des favelas de Rio de Janeiro et de São Paulo dans Je suis favela et Je suis toujours favela.

 

 

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