La culture nait et vit aussi dans la périphérie

Au Brésil, une nouvelle littérature explose, née hors des centres du pouvoir. Une littérature écrite par des auteurs qui ont toujours été ignorés voire dédaignés par les grandes maisons d’édition. Une littérature qui résiste, dans un contexte politique polarisé…

Un exemple : vous connaissez les saraus du Brésil ? Ce sont des rassemblements spontanés, gratuits, où chacun peut déclamer des poèmes, des nouvelles… C’est pour moi le phénomène culturel le plus marquant de ces 20 dernières années !

Ces saraus ont une grande valeur pédagogique, en termes d’alphabétisation, d’estime de soi. Surtout, ils désacralisent la littérature. Et enfin, ils se passent en banlieue : plus besoin d’aller dans le centre pour avoir accès à la culture : la culture naît et vit aussi dans la périphérie !

En 2001 Sergio Vaz crée la Cooperifa, premier sarau en banlieue de São Paulo. Des dizaines suivront – des espaces stigmatisés, comme les bars, sont ainsi transformés en centres culturels. On y installe des bibliothèques participatives, pour contourner la difficulté d’accès au livre… « Le champ littéraire va au-delà des auteurs, des livres, des maisons d’éditions. La littérature est aussi composée d’une série de pratiques d’incitation à la lecture et à la production littéraire. » explique la chercheuse Erica Peçanha.

Sergio Vaz

Ce mouvement culturel existe à São Paulo, où sont organisés des dizaines de saraus éparpillés aux quatre coins de cette mégalopole gigantesque, mais aussi dans les périphéries de nombreuses villes brésiliennes, notamment à Rio.

Les éditions Anacaona suivent le mouvement depuis les débuts (ou presque !) et ont publié de nombreux auteurs issus de ce mouvement. Ils produisent des textes divers, qui parlent de leurs conditions de vie, des inégalités, des questions raciales, mais aussi d’amour, de solidarité, de rêves… Le mouvement s’est consolidé bien qu’il soit au départ né d’expériences alternatives, à la marge du milieu littéraire traditionnel.

L’objectif étant de désacraliser la littérature, beaucoup de ces poètes/écrivains vont donc dans les écoles, parler yeux dans les yeux avec les jeunes… Sergio Vaz raconte ainsi avoir dit à un enfant qu’il était écrivain. Le gamin lui avait répondu : “Comment c’est possible, tous les écrivains sont morts, non ?” Depuis, il parcourt inlassablement les écoles de sa ville et de tout le Brésil.

Dans un mois, le principal prix littéraire brésilien, le prix Jabuti, récompensera certains des acteurs du mouvement des Saraus (Sergio Baz et Binho) dans la catégorie « Incitation à la littérature ».C’est la preuve que le milieu littéraire autrefois élitiste change peu à peu, et reconnaît d’autres canons, d’autres façons d’écrire…

Sergio Vaz est lui-même un formidable poète : “Pendant qu’ils capitalisent la réalité, je socialise mes rêves…”

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