Kit de survie dans la favela

Kit de survie dans la favela

Par Stéphanie Hardoin

Le Manuel pratique de la haine du brésilien Ferréz a tout pour devenir un classique du polar. Convaincue par ses personnages qui résonnent si vrais, et ses intrigues, je l’ai dévoré.

Premier livre de la collection Urbana des éditions Anacaona, ce roman illustré par les photos d’Alexis Peskine conte les histoires de protagonistes très différents bien qu’issus de la même galère, et réunis dans un même espace : la favela. On suit ces personnalités contradictoires, alternant entre dégoût et bienveillance à leur égard. Ils tentent de survivre dans une favela de São Paulo minée par le chaos mais où existent aussi des « poches » d’innocence désarmante – contrairement à Kéro, un reportage maudit, que j’ai lu il y a peu.

Dans la favela dépeinte par Ferréz, personne n’est jamais sûr de rien à propos des autres, et « l’arme est la seule certitude », pour reprendre le titre de l’un des chapitres.

Comment en est-on arrivé là ?

Copyright Peskine/Anacaona. Favela

C’est ce que questionne le Manuel pratique de la haine tout du long. L’auteur, sans reprendre son souffle, nous plonge dans la vie de ses héros et retrace leur parcours – et l’on comprend ainsi un peu mieux leurs choix. La favela est bien plus complexe à comprendre que ne le laisserait croire la vision manichéenne : les bons d’un côté, les voyous de l’autre. Un truand avec femme et enfants peut tuer sans scrupule mais aussi faire preuve de bonté désintéressée ; une personne sans problèmes peut sombrer dans la bassesse du jour au lendemain ; un croyant peut souhaiter la mort de son prochain ; un représentant de la loi peut pactiser avec le diable…

Tout est affaire de contagion : des actions révoltantes entraînent en chaîne des réactions plus désastreuses encore.

L’injustice est centrale et, bien souvent, « la mort n’est qu’un détail ». La famille prend aussi toute son importance, et c’est la volonté de la protéger qui déchaîne souvent la méfiance, les trahisons et la haine sans limite. Et l’amour dans tout ça ? Eh bien, hormis l’importance de la passion charnelle, on s’aperçoit que les voyous croient encore en la forme la plus pure de l’amour. Et que celui-ci pourrait changer des destins s’il était pris en compte… Mais nous ne sommes pas dans un conte de fées avec happy end. Et c’est d’autant plus triste et frustrant que Régis, Magicien, Lucio la Foi, Celso le Démon, Neguinho et Aninha, les 6 associés, sont infiniment attachants…

Stéphanie Hardoin est bloggeuse et étudiante en licence Information-Communication. 

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