Critique CANAL+ de Je suis favela

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Véritable manifeste de la littérature marginale brésilienne, ce livre témoin est un voyage à l’intérieur des favelas.

Raconté par un collectif de neuf écrivains, ils se parent des crayons les plus affutés et dénoncent un quotidien de misère où la violence est banalisée.
L’ouvrage s’articule en 22 courtes fictions qui vous immergeront dans un monde post apocalyptique ayant raison des relations sociales réduites à l’état sauvage. Tour à tour on partage des bribes de vie où le trafic apparaît comme seule échappatoire et où la fatalité criminelle saisit jusqu’aux plus honnêtes : « On était sur le toit, le ventre plein, imaginant comment serait la vie sur d’autres planètes. Tu te souviens ? S’il existait des favelas sur d’autres planètes. Si c’était cool d’habiter sur la Lune.» de la même manière que la science fiction s’est développée dans les années jalonnant la deuxième guerre mondiale manifestant le rejet d’un monde devenu trop cruel, les protagonistes lèvent leurs têtes au dessus du dénuement pour survivre.
Plusieurs fictions se terminent par un décès mais on tourne une autre page et la vie reprend, on se retrouve dans une salle de classe où un jeune garçon témoigne à son professeur de son désarroi en prose.

Ferréz, terroriste littéraire Ferrèz, terroriste littéraire comme il désire être qualifié, livre de magnifiques métaphores revisitant les mythes urbains des favelas à la manière de Marcel Camus dans Orfeu Negro. Son écriture est acérée, engagée, il nous prête les codes pour maîtriser un monde qui nous est étranger, mais qui pourtant réveille des souvenirs familiers.
Buzo, suburbain convaincu cartographie la favela au travers de personnages symboliques de son identité. La prostitution est respectable puisque rentable, « On ne vit pas la Favela, on la survit».

On clôt les trois premières parties de l’ouvrage en espérant pouvoir ranger ces Histoires au rayon des contes, pourtant quatre articles appuient les fictions d’une analyse documentaire sur fond d’abandon Politique et de répression. Car les favelas sont un défi à toute logique sociale, construites d’abord pour les esclaves elles concernent désormais entre 20 et 30% de la population urbaine brésilienne qu’on pourrait d’ailleurs toujours assimiler à des esclaves d’un système qui les ignore. Une population opprimée qui lutte contre des sentiments contraires en permanence, illustrés par la figure du Donos, un robin des bois favelado qui dérobe aux quartiers chics pour donner aux habitants forcés d’accepter « un mal nécessaire ». La favela comme état satellite du centre au contrôle socio politique imposé par des factions du trafic de drogue dans lesquels les populations engagent plus de confiance que dans la police militaire lourde d’un passé violent où d’une justice corrompue « La police tue, le pouvoir judiciaire enterre ».
Iva Bentes signe un très beau discours sur la schizophrénie des médias à l’égard des favelados avec, en musique de fond, du funk carioca à l’origine des bals funks qui font vibrer les 800 favelas de Rio de Janeiro. Un espace de parole présenté comme le bon côté de la mauvaise vie et où, encore une fois la réponse de l’état s’est formulée par l’emprisonnement des MC’s qui l’ont créé.

Je suis favela peint l’effervescence culturelle des périphéries à la grande surprise de ceux qui pensaient que la misère ne rimait pas avec futur.
L’apport culturel inversé existe, ces neufs écrivains en sont aussi bien les porte-paroles que les preuves. Une œuvre collective qui vous transportera et dont vous ressortirez grandi d’avoir partagé le quotidien des favelados de l’intérieur.

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