Le modèle noir, l’exposition au musée d’Orsay, à voir !

Faites-vous partie du presque ½ million de personnes qui ont été à l’expo « Le modèle noir » ? Si vous n’y avez pas encore été, dépêchez-vous, il ne vous reste que quelques jours ! Elle vaut le coup, au moins pour le symbole.

Quelques impressions, à chaud… Et quelques réserves – je ne peux pas m’en empêcher 🙂

  • Je regrette que le Brésil soit, comme souvent, le grand absent… Brésil, premier pays esclavagiste au monde (qui a reçu BIEN PLUS de Noirs réduits en esclavage que les Etats-Unis ou que les Caraïbes !). Au Brésil aussi, nous avons un grand nombre de tableaux représentant la population noire… Allez voir le tableau « La rédemption de Cham », de Modesto Brocos, symbole de la politique eugéniste et de blanchiment du Brésil par le biais du métissage.
  • Vous verrez que le corps noir est presque toujours dominé, exploité, asservi, dénudé. Rien de nouveau, me direz-vous. Mais ils apparaissent bien calmes, bien sages, bien pacifiés. Un peu comme si… tout allait bien. Pour moi, tous ces tableaux choisis manquent clairement de violence – car la situation ETAIT ULTRA-VIOLENTE. Rappelons que les colons étaient TERRORISES par ce qui pouvait leur arriver… Et redoublaient donc de violence envers leurs esclaves pour dissuader toute tentative de rébellion. Il est indispensable de rappeler cette violence, sinon on tombe 1/ dans un exotisme pacifiste erroné ; et 2/ on échappe à nos responsabilités en préservant une innocence française. Non, ce n’est pas arrivé « ailleurs », c’est arrivé « chez nous ».
  • Cette expo montre bien le paradoxe français : Notre France qui proclame la Déclaration de l’Homme et du citoyen… au moment où le trafic négrier et la Traite Atlantique sont, précisément, à leur apogée ! Notre France en apparence « négrophile », havre de paix pour les Afro-Américains qui fuient la discrimination raciale de leur pays… Mais notre France, aussi, qui place toujours le noir en dehors de la norme, qui l’oublie du récit national, qui l’exclue de la norme académique de la “beauté idéale”.
  • Sont-ils véritablement engagés, ces artistes ? Je ne suis pas sûre qu’ils dénoncent vraiment la situation de leurs modèles et le sort des colonisés… Et puis, j’aurais aimé plus d’explications sur ce corps et ce modèle noir… qui n’existent, d’ailleurs que par le regard blanc !
  • Mais cette expo a le mérite de montrer les traces de la présence noire en France dès le 18e siècle. De rendre visible une minorité invisible, ou en tout cas non identifiée comme telle par notre République universelle et aveugle à la race (comme l’ont voté nos chers députés il y a quelques jours, en enlevant le mot « race » de la Constitution…)
  • J’ai beaucoup apprécié le travail du musée pour retrouver le nom des modèles. Cela m’a vraiment émue. C’est ainsi que j’ai découvert que la femme de ce tableau, que j’ai toujours trouvée très élégante, s’appelait… Madeleine, et non un humiliant « négresse ».

Madeleine… Désormais en aimant sur mon frigo, à côté de Rio de Janeiro, Honolulu, Vancouver. Madeleine, dont je verrai désormais tous les jours le regard digne, comme un rappel de la résistance des femmes noires de l’histoire, une source d’inspiration pour nous toutes.

Si la question noire vous intéresse, pour une perspective actuelle, je vous conseille les deux essais de Djamila Ribeiro :

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