A Rio de Janeiro, la pacification des favelas ne se fait pas sans violence (La Croix 14 mars 2012)

Dans la perspective de la Coupe du monde de football en 2014 et des Jeux olympiques de 2016, la présence policière a été renforcée dans des zones auparavant totalement laissées aux mains des gangs armés.

La majorité des habitants l’approuvent, mais des ONG des droits de l’homme dénoncent une militarisation du quotidien.

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Dans la favela Cidade de Deus à Rio de Janeiro, personne ne fait plus vraiment attention aux immondices qui jonchent les rues d’un des quartiers les plus déshérités de la ville. Les ordures sont partout et l’odeur aigre se mélange à celle de la poussière des ruelles en terre battue. Des enfants jouent avec insouciance au milieu des poules rachitiques et des cochons qui triturent les poubelles. Au loin apparaissent les tours de Barra da Tijuca, une des parties les plus huppées de la zone ouest.

Au bout d’une venelle encombrée de carcasses de voitures abandonnées, une maison semble déserte. Aux barreaux d’acier qui protègent l’unique fenêtre du logement, un homme apparaît. Il exhibe fièrement sur son torse nu un pendentif représentant un revolver chromé. Dans le quartier, il n’est pourtant pas un caïd, mais un vendeur ambulant qui fait le bonheur des enfants avec son commerce clandestin de vente de bonbons, de boissons et d’articles de première nécessité.

« J’ai peur », confie Francisco, après avoir pris soin de refermer la porte derrière lui. À voix basse, il explique avoir été battu violemment par des hommes appartenant à une « unité pacificatrice de la police » (UPP). « Ce jour-là, je ne faisais que vendre à la sauvette ma marchandise et trois policiers m’ont pris à partie et roué de coups », témoigne-t-il en montrant une photo prise quelques minutes après l’agression. Sur le cliché, Francisco a le visage couvert de sang et l’œil droit tuméfié. Depuis qu’il a porté plainte, il vit dans la peur de représailles. Les policiers impliqués dans le passage à tabac ont été un temps suspendus, mais sont depuis peu revenus patrouiller dans le quartier.

SUCCESSION D’ABUS D’AUTORITÉ DES FORCES DE L’ORDRE
Son histoire n’est pas unique. Depuis l’implantation d’une UPP à la Cidade de Deus en février 2009, les cas d’abus d’autorité et d’agression des forces de l’ordre se succèdent. Trois cent cinquante hommes encadrent une population estimée à 70 000 personnes.

La disparition, en décembre 2011, du propriétaire d’une casse automobile a eu une répercussion nationale inédite. Gilmar Barreto aurait refusé de payer un pot-de-vin à la patrouille locale. Il n’est depuis lors jamais réapparu dans le quartier. Sa famille, témoin de l’enlèvement en pleine nuit par deux policiers en tenue, a dû quitter le quartier sur recommandation du secrétariat d’État aux droits de l’homme. Depuis un an, le ministère public fédéral de Rio, une des plus importantes instances judiciaires du pays, distribue dans le quartier un livret expliquant comment porter plainte en cas de violences abusives des forces de l’ordre.

La grande majorité des habitants approuve cette présence policière dans des zones auparavant totalement laissées aux mains des gangs armés. Pour les pouvoirs publics de Rio, il s’agit de rassurer les touristes et les investisseurs étrangers à l’approche de la Coupe du monde de football de 2014 et des Jeux olympiques de 2016.

DES ONG CONTRE LA MILITARISATION DU QUOTIDIEN
Mais la présence policière dans les favelas n’est pas du goût de tous. Et notamment de certaines organisations de défense des droits de l’homme. C’est le cas de l’ONG Justiça Global, qui considère que les habitants sont traités comme une armée ennemie. Tous sont des suspects potentiels. Elle dénonce une militarisation du quotidien qui renforce le sentiment d’une logique de guerre entre l’État et les citoyens.

Au Morro Santa Marta, la première favela équipée d’une UPP, en 2008, ont surgi depuis peu des affiches sur les murs qui font l’analogie entre la surveillance policière et « Big Brother », un jeu de téléréalité de la chaîne Globo. Dans ce programme à succès, des participants enfermés dans une maison sont épiés en permanence par des caméras vidéo. « La situation à la Cidade de Deus s’est aggravée depuis l’arrivée des forces de pacification, explique Rogerio, le président d’une association locale à la Cidade de Deus. Sous couvert de lutter contre le trafic de drogues et d’armes, ces policiers renforcent l’hostilité de la population au travers de contrôles musclés et de surveillance au quotidien de ses faits et gestes. »…

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Steve Carpentier, à Rio de Janeiro

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