Le contexte de L’Enfant de la plantation

Modernisme et régionalisme brésilien

La Semaine d’Art Moderne de São Paulo naît avec bruits et fracas l’année du centenaire du Brésil, en 1922. Le Modernisme cherche à redéfinir la littérature brésilienne, par le biais d’une nouvelle langue qui puiserait ses racines dans la spécificité brésilienne, à l’opposé de la langue européenne et conservatrice de l’époque.

En 1922, José Lins do Rego, alors étudiant en droit à Récife, s’engage activement dans le Mouvement Régionaliste du Nordeste emmené par Gilberto Freyre, critiquant le « francésianisme » du Modernisme – qu’il juge artificiel, importé, avide de scandale et d’extravagance, singeant les mouvements futuristes ou primitivistes européens et circonscrit à São Paulo et à Rio de Janeiro – donc éloigné du peuple. Par la suite, il modifia un peu sa position en reconnaissant être étroitement lié à l’idée de rénovation littéraire du Modernisme.

La publication de L’Enfant de la Plantation (1932) marque une étape cruciale dans l’histoire des lettres brésiliennes. Le Modernisme avait 10 ans. Le Nord et plus particulièrement le Nordeste s’éveillait enfin à la poésie et au roman – avec Jorge de Lima, José Lins do Rego, Graciliano Ramos, Gilberto Freyre, Rachel de Queiroz, José Américo et Jorge Amado. Le Mouvement Régionaliste du Nordeste a ainsi transformé radicalement le Modernisme, en lui permettant de succéder aux grandes écoles du passé et de faire partie de l’histoire littéraire du Brésil.

En 1932, L’Enfant de la plantation est donc une révélation, une révolution de la propre révolution esthétique de 1922, à laquelle José Lins do Rego apporte une sève nouvelle, une force instinctive, une réalité sociale et une spontanéité personnelle.

José Lins do Rego, l’écrivain de la décadence du Nordeste

Avec José Lins do Rego, « C’est toute une région qui fait ses adieux à un mode de vie »[1]. L’acuité du romancier a capté les conflits générés par ce démembrement silencieux.

L’œuvre romanesque de José Lins do Rego, notamment son ‘Cycle de la canne à sucre’, s’insère dans un paysage, une culture, une phase économique et politique : la décadence de la société patriarcale. La société rurale aristocratique, latifundiaire et esclavagiste est en pleine débandade. Le héros solitaire des romans de Zé Lins est déchiré entre un passé décadent et un futur incertain et vit son destin individuel dans ce Nordeste en pleine transformation.

En l’espace de 5 ans et 5 livres, José Lins do Rego a donc consigné un des phénomènes sociaux les plus marquants de la civilisation latino-américaine du XXème siècle.

Le Balzac brésilien

Le ‘Cycle de la canne à sucre’ consacre Zé Lins do Rego comme « le Balzac du patriarcat moribond »[2] brésilien.

La force de ce nouveau romancier, fils du sertão et pénétré d’esprit nordestin, est de refléter dans sa fresque monumentale un problème social typiquement brésilien, l’agonie d’une caste, la fin d’un patriarcat rural, la disparition d’un monde. Balzac avait étudié dans ses romans la formation de la grande bourgeoisie en France au début du XIXème siècle, Proust la décadence de la noblesse et de cette grande bourgeoisie à la fin de ce même siècle, et notre campagnard originaire de Pilar décrit la mort des domaines agricoles, l’agonie des plantations, l’emprise croissante des grandes usines – en somme la déshumanisation de l’économie par la mécanisation de l’agriculture, entraînant la ruine du patriarcat et la dispersion de tout un peuple descendant d’esclaves et qui ne s’était pas encore fixé dans un travail libre. Tristão de Athayde, op.cit.

 


[1] Tribune de Carlos Drummond de Andrade, Correio da Manhã, 1957.

[2] Tristão de Athayde, préface à l’édition de Menino de Engenho, 1971.

Romans publiés dans la collection Terra des éditions Anacaona 

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